samedi 4 février 2012

Mes vies en réseau


Vivre en réseau

Internet, Facebook, Viadeo, LinkedIn, je suis en réseau, nous sommes en réseau.. en connexion, en communication, en échanges mutuels….

D'où vient le réseau, une longue histoire

Le filet, le piège, le quadrillage du territoire, le réseau des amis, le réseau des fidèles, le réseau de résistance, le réseau de communication, le réseau d'échanges ..

Voici dix peintures avec, en écho, des extraits de « Critique des réseaux » du philosophe Pierre Musso (1)
Le Roi comme tisserand de la Cité
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

Dans Le Politique, rédigé vers -365, Platon utilise le tissage comme paradigme pour définir la fonction royale, le roi étant assimilé au tisserand qui entrecroise les fils de la trame et ceux de la chaîne, c´est-à-dire qui compose avec les contraires pour les marier. Dans la mythologie grecque, le thème du lien fait partie des mythes royaux, et Platon utilise ce mythe pour définir l’art royal de gouverner. (...) Le politique, comme le tisserand, exerce une activité de surveillance pour assurer la combinaison des oppositions. (…) Cette analogie platonicienne entre le tissage et la politique entendus comme activité de direction et d’encadrement, est fondatrice. Elle traversera toute l’histoire du réseau-filet interprété comme moyen de surveillance du social.
Pierre Musso. Critique des réseaux, p. 49-51.

Le poulpe et le cerveau
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

« Pour les Grecs, le poulpe est un nœud de mille bras, un réseau vivant d’entrelacs, un poluplokos .. épithète ¨qui désigne le labyrinthe, ses dédales, son enchevêtrement de salles et de couloirs » (M. Détienne et J.P. Vernant). (…) Roger Caillois remarque que dans l’Antiquité, le poulpe passe « pour un modèle de prudence et de sagacité », car il a cette faculté extrordinaire d’accommoder sa couleur au fond duquel il repose. Oppien note que par cette ruse « il dupe ses ennemis et se procure sa nourriture » et Athénée cite une maxime d’Euripolis selon laquelle « un homme qui gère les affaires publiques doit dans sa manière d’agir, imiter le poulpe ». (…) Galien apporte .. l’analogie entre le réseau fabriqué qu’est le filet artisanal et le réseau naturel qu’est l’encéphale (...) Le « plexus réticulé », telle est la grande découverte de Galien : un immense réseau naturel relie les organes au cerveau et fait circuler le pneuma. Le mot « plexus », dérivé de plecto, signifie au sens propre, tissé ou entrelacé, et au sens figuré, embrouillé ou ambigu.
Pierre Musso, Critique des réseaux, p. 56, 62 et 65-66..

(Se) prendre au piège
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

Du petit corps humain au grand corps du Cosmos, en passant par la Cité et le politique, le tissu-filet sert de paradigme pour penser l’entrecroisement des contraires. (…) La pensée du réseau consiste à poser des termes contradictoires, ou pôles opposés, et à produire un jeu réciproque de déséquilibre dynamique entre ces termes. (…) La métis [intelligence des situations pratiques chez les Grecs] est la ruse ou le piège – techné ou méchané – qui permet de modifier les rapports de forces dans le monde animal. Puissance aquatique, elle est polymorphe et fluide et peut donc prendre n’importe quelle forme pour exécuter sa ruse. Dans le monde de la chasse et de la pêche, le filet et la métis sont omniprésents en tant que pièges nécessaire à la victoire de la ruse sur la force.
Pierre Musso, Critique des réseaux. p. 55-56.

Vers la société future
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

Jusqu'ici, le corps christique assurait dans sa fixité le passage entre l'ici-bas et l'au-delà : désormais, c'est le réseau artificiel qui dans ses flux et ses mailles, prend la place du corps christique comme lieu de passage et de transition vers la société future.. le réseau est l'objet fétiche pour le culte contemporain du mouvement, du passage et de l'horizontalité reliant présent et avenir".
Pierre Musso, Critique des réseaux. p. 360-361.

Passants sur le réseau
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

Le réseau est un passeur qui nous transmute en « passants », toujours plongés dans des flux (d’informations, d’images, de sons, de données…). Le mouvement est continu. L’immersion dans les réseaux crée l’obligation de ne pas stationner à une place, de constamment circuler. Le présent est passage, transition, mouvement. Plus besoin d’opérer le changement social, il est vécu en permanence par la connexion, le « branchement », la circulation dans les flux, voire dans l’aventure cyber spatiale.
Pierre Musso, Critique des réseaux. p.353.

La circulation de l’argent, flux naturel, bonheur matériel
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

L’argent est le flux unificateur qui assure le passage d’un système social à un autre…Si dans la circulation monétaire est perturbée, c’est parce qu’elle transite par la médiation du politique, alors que dans l’administration des choses, l’argent circule librement en boucle, de l’industrie à l’industrie, sans le filtre étatique. La circulation s’opérera d’autant mieux dans le système industriel que se multiplieront les réseaux, entendus comme infrastructures techniques… la qualité d’une organisation sociale est proportionnelle à sa capacité à offrir des réseaux de communication. La construction de réseaux est non seulement un but d’utilité publique, mais c’est tout simplement la garantie du bonheur matériel
Pierre Musso, Critique des réseaux. p. 78-79.

La fécondation de la planète Terre par les réseaux
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

« Pour améliorer le plus rapidement possible l’existence de la classe la plus pauvre, la circonstance la plus favorable serait celle où il se trouverait une grande quantité de travaux à exécuter et où ces travaux exigerait le plus grand développement de l’intelligence humaine. Vous pouvez créer cette circonstance : maintenant que la dimension de notre planète est connue, faite faire par les savants, les artistes et les industriels un plan général de travaux à exécuter pour rendre la possession territoriale de l’espèce humaine la plus productive possible et la plus agréable à habiter sous tous les rapports ». Nouveau christianisme, Œuvres complètes, o.c. t. 3, p. 152. Saint Simon.
Pierre Musso, Critique des réseaux. p. 192-193.

Tout circule, tout coule, tout passe, tout communique
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

Puisque le politique n’est que détournement d’argent et de pouvoir et cristallisation des flux, il faut le transformer, voire le supprimer pour rétablir la fluidité de l’économie et de la religion de la communication. Or le réseau est le seul intermédiaire qui fasse passer, qui ne retient pas les flux, mais les canalise pour leur garantir le mouvement continu.
Pierre Musso, Critique des réseaux. p.195-196.

Nous devenons des cyborg dans le cyberspace
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

Le syllogisme fondateur de la techno-utopie cyberspatiale se réduit à affirmer que : 1/ le cerveau comme un ordinateur et réciproquement l’ordinateur fonctionne (et « pense ») comme un cerveau. Tous deux relèvent d’une théorie unitaire ayant pour objet la connexion d’éléments en réseau : le cerveau est un réseau de neurones, et l’ordinateur est composé de puces en réseaux. ; 2/ avec internet, se développe un réseau mondial de réseaux mondial par connexion des ordinateurs qui en sont les composants ; 3/ par conséquent, il est possible de connecter les cerveaux humains et les ordinateurs entre eux, grâce à des hyper réseaux reliés à l’échelle planétaire. Ainsi peuvent être obtenues une hybridation homme-machine et une « intelligence collective » dans et par le cyberspace.
Pierre Musso, Critique des réseaux. p. 330-331.

Etre heureux en ligne sur Internet
Huile et pigments. 100 X 200. 2005.

En 1968, Lickider signe avec Robert Taylor, responsable du centre Informatique de l’ARPA, d’où sortira Internet, un article où ils affirment que « les hommes communiqueront de façon plus efficace avec la machine qu’en face à face . . les individus en ligne seront plus heureux, car les gens avec lesquels ils interagissent auront été choisis .. la communication sera plus effective et productive et donc plus agréable ».
Pierre Musso, Critique des réseaux. p. 330.
(1). Editions Presses Universitaires de France. Collection « Politique éclatée ». Paris. 2003.

Quelle est la modernité de ma démarche ?

Ma démarche artistique prend le contre pied de la tendance actuelle qui est l'accumulation sur un même support de différentes images, qui est l'addition sur un même support de plusieurs gestes de découper/coller. C'est la transposition au plan de l'art de notre ambiance contemporaine saturée par le souci de l'ordre, des rapports de force, de la "visibilité qui en impose".

Au contraire, "je m'efforce à un moins de force", "j'invite à une acceptation de l'entropie, du un-peu-plus-de-désordre". A coté d'une écologie des ressources, je propose une "écologie des images".

Aussi ma démarche est plutôt de prendre une image, d'ouvrir ses potentiels de forme et de couleur et laisser s'écouler, laisser se diffuser les formes et les couleurs.

Je suis philosophe de formation. La philosophie distingue entre l' Etant, constitué par les activités et les technologies, et l'Etre qui est une attitude de disponibilité à ce "moment de vie" où le sens devient ambigu, équivoque, hyperbolique. Le moment où dans les possibles connus, s'ouvre une fenêtre vers l'im-possible. C'est im-possible, et pourtant, j'y suis, j'y chemine.

Chacun de mes tableaux est un témoignage de mon cheminement dans l'im-possible.

Aucun commentaire: